La Théorie du Dolo diseguale : Analyse et Réflexion sur son Applicabilité en Droit Pénal Belge
Comment la graduation de la conscience et de la voluntas rea pourrez avoir des conséquences sur la graduation de la sanction pénale ?
Qu'est-il change si quelqu'un prend la responsabilité des certaines actes, mais non pas de ses conséquences ou,alors, quelqu'un qui garde la conscience et la volonté de ses conséquences sans toujours que cela soit prévu dans son but?
En Italie une jurisprudence qu'on pourrait dénommer d'évolutive a fait une distinction fondamentale entre ce qu'on peut imaginer et ce qu'on accepte comme conséquence de ses actes (délictuelles).
La question principale qui se pose c'est s'il serait -il possible d'appliquer la théorie du “dolo diseguale” aussi devant les juridictions belges.
Si par ailleurs cette catégorie juridique est à considérer valable et analogiquement applicable à d'autres systèmes pénales de Civil Law.
Le "dolo diseguale" fait une distinction subtile dans la théorie du droit pénal italien et avec ce concept on peut mettre en avant une différence essentielle entre le "dolo predittivo" et le "dolo conoscitivo".
Cette catégorie a été développée, en particulier, par la Cour de Cassation section pénale, italienne qui a repris les études du Professeur David Brunelli, un éminent avocat , juriste et ancien magistrat militaire italien. En bref le "dolo predittivo" désigne la situation où l'agent prévoit la possibilité qu'un résultat illicite se produise, mais sans certitude, tandis que le "dolo conoscitivo" se réfère à l'intention plus claire de commettre un acte illicite en ayant la certitude de ses conséquences.
Dans cet article nous voudrions aborder l'analyse de si et comment cette théorie pourrait être interprétée et potentiellement appliquée au droit pénal belge, en tenant compte des contributions doctrinales d’auteurs comme Laurent Kennes, Pierre Monville, et Franklin Kuty, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de cassation belge et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
La Théorie du Dolo Diseguale en Italie
Selon la Cour de cassation italienne, le "dolo diseguale" permet de graduer la responsabilité pénale en fonction de la connaissance et de la prévisibilité de l'événement criminel par l'auteur. Cette distinction est cruciale dans des cas complexes, comme les homicides ou les infractions avec un dolo éventuel, où l'agent accepte le risque que son action puisse provoquer un résultat préjudiciable mais non pas voulu strictu sensu..
Le professeur David Brunelli met en lumière que cette distinction offre une gradation de la culpabilité plus adéquate, impliquant que le “dolo conoscitivo” (avec certitude de l'événement) est moralement plus grave que le “dolo predittivo” (avec une simple prévision du risque).
Écho de cette Théorie en Droit Pénal Belge
En Belgique, bien que la théorie du "dolo diseguale" ne soit pas explicitement reconnue, des notions similaires déjà existent, notamment dans la distinction entre faute intentionnelle et faute par imprudence consciente. La faute intentionnelle (ou dol) est abordée dans la jurisprudence belge à travers des concepts comme le dolo direct et le dolo éventuel.
Par exemple, dans l'arrêt de la Cour de cassation belge de 2023 (P.22.1275.F), la Cour a statué sur un cas de délégation de responsabilité en matière de sécurité sur un chantier, en soulignant que la simple délégation ne pouvait exonérer l'auteur de sa responsabilité pénale s'il avait connaissance des risques liés à son comportement. Ce type de raisonnement s'aligne avec la logique du "dolo predittivo", où l'agent peut ne pas chercher directement à causer le dommage mais accepte le risque qu'il se produise simplement en le en le prédisant.
Perspectives doctrinales :
Laurent Kennes et Pierre Monville, dans leurs analyses du droit pénal belge, ont beaucoup écrit sur la responsabilité pénale des personnes morales et les différentes formes de dol, qui font de leur façon un peu écho au "dolo diseguale".
Leur travail souligne enfaite que la connaissance des risques et l'acceptation des conséquences jouent un rôle clé dans la détermination de la culpabilité.
En particulier, selon Monville, dans des affaires complexes comme celles touchant au faux et usage de faux, la dimension subjective de l'intention est essentielle pour établir la culpabilité.
De plus, Franklin Kuty, dans son travail sur le rôle du juge d'instruction, explore les distinctions entre différentes formes d'intention criminelle et leur impact sur l'instruction pénale.
D'ailleurs il note que la distinction entre les niveaux de dol pourrait être utilisée pour mieux comprendre la gravité des infractions et leur impact sur les sanctions
Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme
La Cour EDH, dans plusieurs arrêts, a souligné l'importance de l'intention et de la prévisibilité dans l'évaluation des comportements criminels. La Cour insiste sur la nécessité de démontrer que l'accusé avait connaissance du risque ou acceptait consciemment les conséquences de ses actions.
Ces principes sont cohérents avec l'approche du "dolo diseguale", qui fait la distinction entre les agents qui acceptent simplement un risque et ceux qui ont une intention claire et certaine.
Conséquences en termes de Sanction Pénale
L'application du "dolo diseguale" en droit belge pourrait potentiellement influencer la graduation des peines. Une distinction claire entre le "dolo predittivo" et le "dolo conoscitivo" permettrait donc d'adapter la sanction en fonction du degré de culpabilité morale en répondant de façon plus appropriée aux exigences et aux principes généraux du droit. Ainsi, les infractions commises avec un "dolo conoscitivo" (c.à-d. avec la pleine conscience du résultat) devraient logiquement être plus sévèrement sanctionnées que celles commises avec un "dolo predittivo", où l'agent accepte simplement le risque, sans avoir de certitude sur l'issue.
De plus, cette approche pourrait également avoir un impact sur la responsabilité des personnes morales et, en particulier dans les affaires complexes de droit pénal des affaires, où la conscience des risques et leur gestion jouent un rôle central dans la détermination de la culpabilité des entreprises
EN CONCLUSION
Malgré la théorie du "dolo diseguale" ne soit pas formellement reconnue en Belgique, elle offre un cadre conceptuel utile pour examiner et graduer la responsabilité pénale à la lumière des notions de connaissance et d'acceptation des risques.
La jurisprudence belge et européenne, ainsi que les contributions doctrinales de Monville, Kennes, et Kuty, montrent que ces distinctions ne sont pas anodines et que sont pertinentes dans l'appréciation de la culpabilité et des sanctions en droit pénal belge.
Cette réflexion donc pourrait ouvrir la voie à une application plus nuancée du dol et à une meilleure adaptation de la sanction pénale en fonction de la gravité morale des infractions commises en enquêtant aussi un peu "les âmes" des condamnés..